vendredi 17 juin 2016

Le Coin des libraires - #22 Barcelona de Daniel Sanchez Pardos

J'ai récemment eu la chance d'être sélectionnée pour recevoir un livre et donner mon avis sur celui-ci, et il s'agit de Barcelona de Daniel Sanchez Pardos
Je n'avais jamais entendu parler de l'auteur, d'ailleurs Barcelona est son premier roman à avoir été traduit en français - bien qu'il me semble que c'est son sixième livre - et j'espère que ce ne sera pas le dernier ! 

Barcelona, c'est l'histoire de Gabriel Camarasa, fils d'une bonne famille barcelonaise. Le voilà de retour, lui et sa famille - ses parents et sa petite sœur - dans cette ville qu'ils ont quitté six ans plus tôt, en 1868, lors du coup d'état qui a mis fin à la monarchie des Bourbons. Six ans passés à Londres où Gabriel, nouvel étudiant en architecture, y a rencontré cette femme si mystique qu'est Fiona Begg et qui a elle aussi quitté son Angleterre natale avec son père. 

Dès les premières pages un accident a lieu, un incendie au journal La Gazette du soir, ennemi des Nouvelles illustrés, journal appartenant au père de Gabriel. C'est lors de cet évènement que notre protagoniste va faire la connaissance du personnage bien réel de l'histoire espagnole, le célèbre architecte Antonì Gaudì. 

J'ai été très surprise de voir que le personnage de Gaudì est "secondaire", je m'étais attendue à ce que l'histoire soit vraiment plus centrée sur lui. J'ai fait fausse route, Gabriel reste du début à la fin le personnage qui permet le lien les uns des autres. Et ça n'a pas été pour me déplaire, j'ai trouvé ça vraiment très bien de voir le personnage de l'architecte d'un point de vue extérieur, par le biais des yeux d'un bon ami. Le mystère qui ressort de lui n'en est que plus intense, nous sommes là, avec Gaby à tenter de comprendre qui est Gaudì, ce qu'il fait, s'il est fou ou bien s'il est un génie. 

"Vous êtes un solitaire, alors. Vous considérez qu’être libre c’est vivre sans que personne vous connaisse ou s’inquiète pour vous.
Cela me semble être une bonne définition de la liberté, oui. Vivre sans que personne vous connaisse ou s’occupe de vos affaires…"
Daniel Sanchez Pardos, Barcelona.

On assiste donc à un emmêlement de faits fictifs et de faits réels, la famille Camarasa au centre du roman n'existe pas, les évènements référés dans le livre sont eux, bien vrais. L'année 1874 a bien vu le retour au pouvoir des Bourbons en la personne d'Alphonse XII. Ou encore, dans le roman, Gaudì n'a que son grand frère, Francesc, il est sa seule famille - à l'opposé de Gabriel qui lui est toujours entouré par sa famille -. Dans la réalité, la mère d'Antonì Gaudì est décédée en 1876 tout comme son frère qui voulait en réalité devenir médecin et non avocat. L'auteur s'est donc permis quelques libertés par rapport à l'Histoire ce qui n'est pas dérangeant étant donné qu'il n'est pas dans une optique de relater des faits réels. 

Ce que j'ai le plus aimé dans ce livre, c'est les personnages, bien construits, avec une véritable matière. Les personnages qui, pour moi sont les principaux - Gabriel, Antonì, Fiona & Margarita - sont un véritable bonheur. Tout d'abord parce qu'ils sont très différents, ils ont chacun un petit quelque chose qui fait d'eux des êtres à part entière, ils défendent chacun une sorte de stéréotype : Gabriel celui du fils de riche qui se la coule plutôt douce. Fiona, celui de la femme qui doit se battre pour exister face aux hommes et pour ses convictions, Margarita est (comme dit plusieurs fois dans le roman) à l'image de Marguerite Gauthier dans La dame aux camélias - un des meilleurs livres sur terre - avec toujours des répliques bien trouvé. Pour Gaudì c'est un peu différent, son personnage oscille entre plusieurs, il est en quelque sorte le personnage insaisissable, celui qui gardera toujours une fumée grisâtre autour de lui pour ne pas avoir à nous révéler ses secrets. 

En y réfléchissant bien, je l'ai trouvé mieux écrit et abouti que le personnage de Gabriel, mais c'est sans doute parce qu'il n'est pas le protagoniste, et la seule chose qui m'ait vraiment embêté avec Gaby, c'est le fait qu'il soit un peu un suiveur, qu'il ne réfléchisse pas vraiment par lui-même, mais toujours dans l'optique de ce que sa famille voudrait. 
Par rapport à sa relation avec Fiona aussi, j'ai trouvé que c'était un peu trop obscur. Les informations données sont trop peu nombreuses et imprécises, du coup je ne peux qu'imaginer ce qu'il s'est passé entre eux sans vraiment pouvoir le déterminer, c'est un peu frustrant. 
J'ai trouvé que l'auteur arrivait bien mieux à concevoir des personnages "jeunes", un peu à l'image d'Ezequiel qui est absolument génial lui aussi, contrairement aux parents de Gabriel ou alors à Martin Begg qui est sans doute un des personnages les plus pâles qu'il m'ait été permis de voir. 

Le fait que justement je trouve la famille Camarasa antipathique au possible ne m'a pas permis d'avoir envie de les défendre - et encore moins quand on apprend avec certitude qu'ils complotent pour faire revenir la monarchie en Espagne et qu'absolument toutes les activités de la famille ont été faites dans cette optique-là. En revanche, il était intéressant d'être pour une fois du côté des monarchistes, même si on ne va pas se mentir la politique a quand même une place bien maigre dans le roman quand on y réfléchit bien. La situation est très souvent abordée : il y a eu un coup d'état six ans auparavant, les Bourbons ont fui en France, la République s'est installée mais elle agonise, le retour du monarque est certain, voilà. Il n'y a pas de grandes histoires de conspiration, enfin si, mais pour une fois on n'y participe pas, on la voit de l'extérieur. 


L'autre gros point fort est qu'on a l'impression d'y être, vraiment, l'auteur parvient tellement bien à retranscrire l'ambiance générale, les lieux, qu'on a la sensation d'être aux côtés des personnages, dans la Rambla ou encore à côté de la Basilique Santa Maria del Mar - que je veux absolument découvrir de mes propres yeux maintenant !
Le fait qu'il y ait une carte dans le livre avec les lieux abordés renforce justement la proximité entre le lecteur et les personnages.
Pour ce qui est du style de l'auteur, je l'ai trouvé agréable, fluide et surtout, le découpage est génial. Quand tu as un bouquin de minimum 500 pages à lire et que l'histoire est découpée en trois chapitres ça devient rapidement chiant, on va pas se mentir. Là, avec un chapitre toutes les dix/vingt pages, on peut s'arrêter quand on le veut sans avoir à se dire qu'il nous reste encore une cinquantaine de pages avant la fin du chapitre. 

J'ai également bien aimé le contraste très fort dans le livre avec d'un côté la cellule familiale dans laquelle Gabriel est enfermée, forcé de prendre part sans être vraiment consulté et de l'autre côté son amitié avec Gaudì qui ajoute de la légèreté à l'histoire, qui permet de s'approcher du génie de l'architecte et surtout d'assister à des échanges verbaux absolument géniales. Daniel Sanchez Pardos est vraiment bon pour les dialogues, c'est indéniable, que ce soit de la bouche de Gabriel, Fiona, Gaudì ou encore (et surtout) Margarita, c'est remarquable. 

Et cette fin, haaan, je ne m'y attendais pas, mais pas du tout et du coup j'aimerais vraiment qu'il y ait une suite ! Objectivement parlant, je pense qu'il n'y en aura pas, ou du moins je n'ai pas trouvé l'information - ce n'est pas faute d'avoir cherché ! 

N'étant pas du tout habitué aux thrillers historiques, - je crois bien que c'est le premier que je lis - et à la littérature espagnole - le seul auteur que j'ai lu est Carlos Ruiz Zafòn et je ne pense pas que ce soit comparable - je me suis jetée dans ce livre un peu au hasard, mais avec une grande envie de découverte, d'en apprendre plus sur l'histoire de l'Espagne tout d'abord parce qu'elle m'est absolument inconnue et aussi sur le personnage qu'a pu être Antonì Gaudì, même si finalement ce n'est peut-être pas vraiment lui. 

"Le soleil déclinait dans un ciel couvert de brouillard et de suie, une fois encore. Un ciel industriel, pensai-je. Un ciel sale et pressé. Un ciel résolument moderne."
Daniel Sanchez PardosBarcelona.



Un grand merci à Masse Critique de Babelio et aux éditions des Presses de la Cité pour cette belle découverte. 



Pour l'acheter : Presses de la Cité





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